Comment meurt-on au Togo?

Article : Comment meurt-on au Togo?
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17 mars 2017

Comment meurt-on au Togo?

En l’espace d’un mois, j’ai pu juger à mes détriments ‘’l’état de santé’’ de la santé dans mon pays ? Á défaut de guérir des maladies ici, on en meurt. A croire que le pays tout entier est malade.

Vendredi après-midi, soleil au zénith, un de mes collègues manutentionnaires perd connaissance au boulot. Après 25 km de course folle sur des chemins caillouteux, nous voilà arrivés à l’hôpital.  Surprise, aucun panneau de signalisation des urgences. Obligés de se débrouiller seuls, mon collègue dans nos bras, afin d’héler un infirmier (ou un passant) histoire de nous montrer le bureau d’admission. De surprise en surprise, l’humain chargé de s’occuper de l’admission après avoir passé une éternité à prendre l’état civil, pas les constantes, du patient qui entre temps s’est retrouvé dans un fauteuil roulant( si si on met dans ce pays quelqu’un qui a perdu connaissance dans un fauteuil roulant sans sangles et non sur un lit ou encore un brancard,) grâce à la magnificence d’un portier censé s’occuper des cas urgents qui vraisemblablement préférait suivre la télé loin de son poste, daigne nous indiquer la caisse avec une moue sarcastique, pendant que sa collègue et une autre en train de manger piaillaient tranquillement, pour s’acquérir des frais d’admission.Sans compter l’aller-retour caisse-service d’admission.

Ici ce n’est pas rare d’accompagner un malade à l’hôpital et de se retrouver admis soi-même en cardiologie, faute d’avoir subi pleins d’émotions, pas dûs à votre malade, non non, mais plus aux traitements préhistoriques et inhumains, que subissent votre parent, ami, collègue etc. Comment imaginer qu’après des minutes, qui en matière d’urgence médicale valent leur pesant d’or (quoique tout l’or du monde ne vaut une vie humaine), perdues en admission et non en premiers soins, les infirmiers puissent encore se tromper de service d’admission, et le trimballer de gauche en droite dans des couloirs hôpitaux dignes des ruelles du marché d’Agbadahonou?Des malades ne trouvant pas de place, où pensez-vous que se retrouvent leurs accompagnants? Car ici on peut très bien avoir comme symptômes : fièvre et céphalées et  se retrouver en chirurgie, quand encore chanceux ces départements existent. Ne vous étonnez surtout pas quand un monsieur pansu et saoul se retrouve à la maternité. « C’est des choses qui arrivent », « c’est le Togo’ » vous diront le personnel soignant.

Prenez votre mal en patience si après deux heures aucun médecin ne se pointe pour s’occuper de votre malade. Adoptez la zen attitude si deux ou trois jours après vous ne savez toujours pas de quelle pathologie souffre votre parent , malgré que vous payez des ordonnances à chaque instant. Car ici ça peut être encore pire. Vous au moins avez eu la chance d’avoir trouvé un lit pour y caser votre malade. La salle de réanimation peut parfois ou souvent servir de salle de réunion pour certaines familles, de salle à manger, de lieux de querelle. Comble de l’ignominie, vous pouvez tomber sur des infirmières en train de chanter pas des berceuses mais des airs joyeux en souvenir de leurs dernières nuits au karaoké et oh combien impolies seront-elles, pas toutes évidemment, de vous insulter si ça vous prend de montrer votre gueule. Respirez un bon coup lorsque pour certains « actes médicaux » l’infirmier ou le médecin vous demande du cash en liquide au chevet immédiat de votre malade. Jouez pas au malin en se demandant si ces comportements sont dignes de personnes ayant juré protéger la vie humaine.

C’est à se demander si c’était volontairement que les malades se plaignaient, si c’était de gaieté de cœur que leurs accompagnants s’impatientaient ou perdaient leurs repères ? Un malade et sa famille s’attendent à de la sympathie, de l’écoute à de l’attention en venant à l’hôpital. Mais que recevons-nous ici ? Je me demande si l’environnement dans lequel ce personnel soignant évolue  ne déteint pas souvent sur eux. Sale, non entretenu, salaires insuffisants etc. Certains membres de ce corps médical vous confieront le manque de personnel, de matériel etc. Heureusement j’ai pu aussi constater qu’il y en a qui font du mieux qu’ils peuvent avec les moyens de bord dont ils disposent. Qui vous traitent avec respect. Essaient d’apporter un peu de réconfort. Ce qui me fait penser à ces nombreux diplômés de la santé comme dans bien d’autres domaines ici qui cherchent un travail, mais qui ne le trouvent pas. A ceux qui l’ont, ce travail mais qui le font pas bien, qui en profitent pour racketter, mépriser et ce dans le total irrespect de la vie humaine. C’est eux qui vous diront que ça ne va pas, que le pays est foutu. Mais font-ils leur part ? Entre inconscience, sournoiserie, cupidité et  lenteur administrative. Lenteur justement qui me fait penser à ma  seconde mésaventure avec le monde (in)hospitalier d’ici. Pas n’ importe où. Dans ce qui est censé être le plus grand hôpital du pays.

Dimanche, de la semaine d’avant, entre une heure et deux heures du matin. Plus ou moins émoussés. Que dis-je? Bien émoussés. Les nerfs à fleur de peau, un ami malgré nos tentatives de l’en dissuader enfourcha sa moto et partit. C’est le moment de rappeler á tout un chacun  de s’abstenir de conduire motos ou voitures après ne serait-ce qu’un verre d’alcool. De ne même pas monter sur un zemidjan à l’haleine chargé. Cette mauvaise habitude qu’ils ont de se shooter au sodabi et autres tramadol espérant tenir toute la nuit. N’y montez pas. Parce qu’à défaut de vous soigner l’hôpital vous aidera à mourir, à devenir handicapé, à trainer des séquelles toute la vie, quoique vous l’auriez un peu cherché. Ce qui n’est pas toujours forcément le cas. Bon nombre de patients ne choisissant pas volontairement de se retrouver à l’hosto. Ainsi à peine deux kilomètres devant, mon compagnon de beuverie se retrouva en train de signer des autographes au goudron. Ç’aura été drôle s’il n’était pas plus ou moins inconscient et recouvert de sang et de blessures.

Le temps pour nous autres d’arriver sur les lieux, une fois n’est pas coutume, une ambulance garée, des sapeurs-pompiers s’occupaient déjà de mon ami. J’aurais voulu qu’on l’amène dans une de ses cliniques privées pour qu’il puisse bénéficier de meilleurs soins, comme je le suggérai tout en redoutant la facture salée, aux ambulanciers. Refus catégorique de la part de ces derniers. Nous traitons avec le public. Direction le CHU. L’espoir suscité par la vue des murs dudit centre sera vite anéantie dès l’entrée des urgences. Tout un magma d’êtres humains aux  maux divers. Des accidentés, des brulés etc…On se croirait plus devant le fleuve, dans la Bible, où le premier malade à se jeter dans l’eau guérissait. Chanceux avons-nous été car devant repartir l’ambulancier a fait passer notre cas devant et signer ses documents. A croire que nous avons réussi a sauter dans l’eau avant les autres. Notre joie a été de si courte durée. Un infirmier de service, ma dit ne pouvoir lever le doigt qu’après accomplissement des formalités d’entrée. Mes supplications pour qu’ils s’occupent déjà de mon ami le temps que je cours payer les frais d’admission, à peine deux ou quatre milles,à la caisse qui curieusement se trouve à plus de 500 m des urgences, malgré que je lui ai montrer des liasses, mettant même ma carte d’identité en garantie, pendant que l’autre gémissait ( il m’avouer après avoir cru mourir de douleur), ils ont refusé net.

Fallait me voir courir, évidement avec au moins un litre de bière dans le ventre, me perdre deux fois de direction, arriver enfin à la caisse et découvrir que le caissier de garde( un seul pour un si grand hôpital) ne faisait rien de moins que ronfler à l’arrière caisse. Deux minutes pour lui permettre d’émerger de son tranquille sommeil, et remplir la fiche sur un logiciel informatisé d’un seul doigt. Imaginez la lenteur. Une minute pour insérer le nom, une autre minute pour l’âge, une pour le sexe, deux pour imprimer ; pour enfin se rendre compte que la date était restée sur  celle de la veille alors qu’il était déjà deux heures du matin. Donc corbeille et reprise de tout ce qui vient de précéder. On essaie de compter de un jusqu’à dix car parler retarderait encore plus le service et compliquerait l’état du blessé. Quand enfin on émerge aux urgences et c’est maintenant que l’infirmier trouve le temps de vous demander de lui raconter ce qui s’est passé alors qu’il y avait un troisième ami reste près du blessé, on a juste envie de faire passer l’infirmier des urgences à la morgue. Où se trouve la conscience professionnelle, la conscience tout court? Et quand il vous écrit une succession kilométrique de médicaments, tout en vous invitant, tenez-vous bien daller « demander les prix à la pharmacie et de revenir »et que novices que vous êtes, vous faites cinq minutes aller-retour avec les prix et qu’il vous demande de lui donner le montant écrit, car il a ces médicaments à sa disposition et veut en faire tranquille son  petit commerce, personne ne peut vous empêcher de gifler quelqu’un. Des médicaments censés secourir d’URGENCE des patients qui se retrouvent objet de commerce de la part de ces ‘‘tontons macoutes’’ pendant que des individus souffrent. Loin, loin le temps où je trouvais juste la grève du personnel du CHU.

Trop facile de critiquer le gouvernement pour le manque de personnel, de matériel, des mauvais conditions de travail quand le peu, le minimum qu’on est censé faire arrive à ne pas être assumé. Quand  on prend son service et qu’on voit un accidenté devant sa porte pendant une semaine, que ses plaies suent, mais qu’on le laisse mourir à petit feu. Où se trouve la charité ? Ces ONG ? Les petites monnaies que nous versons dans les caisses d’aide dans les banques, les hôpitaux servent à quoi ? Ailleurs on s’accorde à dire que c’est le lot de nous autres petit peuple. Mais ici ce qui sidère encore plus, c’est quand,même avec des  moyens on ne peut s’octroyer des soins décents. Absence d’infrastructures, de matériel, d’incompétence etc… et que faisons-nous ? Nous construisons des temples. Prenons des maitresses. Les enceintons toujours plus sans penser aux soins que recevrons ces mamans ; en se disant c’est Dieu qui a donné, il en prendra soin. Nul besoin de préciser que la recherche médicale est inexistante dans ce pays. Normal que nous soyons encore la à attendre les recommandations de l’OMS en matière de santé. . Rien n’a été retenu de l’épidémie Ebola. Prochainement nous redeviendrons de fervents chrétiens, de fervents adeptes animistes, le temps pour cette maladie de tuer des milliers de gens et voyons le bon côté des choses le temps pour les animaux de brousse de s’engraisser et régaler nos palais quelques mois plus tard.

En écrivant ces lignes je ne pus m’empêcher de penser à tous ces malades qui attendent d’être soignés, ces accompagnants qui deviendront malades fautes de s’être fait piqués dans les cours d’hôpitaux par les moustiques, à ceux qui n’ont pas les moyens pour espérer obtenir des soins, à ces riches qui meurent souvent pour n’avoir pas embarqué à temps pour se faire soigner à l’étranger, à tout un chacun de nous qui risque un jour de se retrouver dans la même situation, à tous ces braves, ces bras qui auraient pu contribuer au développement de ce pays mais qui sont partis.. La santé est un bien précieux. Prenons en soin. Gouvernement, personnel soignant, population etc… Pour nous. Pour l’avenir de ce pays. J’espère pouvoir relire cet article dans quelques années et en remplacer le titre par ‘’ La santé avant au Togo’’.

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